Christiane Singer
2. Ce qui rend le mariage si fort et si indestructible, c'est qu'il réunit un homme et une femme autour d'un projet.
D'un projet fou.
Souvent voué à l'infortune.
D'un défi quasi impossible à réaliser et impérieux à oser.
Le drame serait de ne pas tenter l'impossible, de rester, une vie entière, à la mesure de ce qu'on peut.
3. Ce qui rend le mariage si lumineux et si cruellement thérapeutique, c'est qu'il est la seule relation qui mette véritablement au travail.
Toutes les autres relations aventureuses et amicales permettent les délices de la feinte, de l'esquive, de la volte-face et de l'enjouement.
4. [...] les épreuves ne sont pas en mariage le signe qu'il faut clore l'aventure mais souvent, bien au contraire, qu'il devient passionnant de la poursuivre.
5. Ces êtres de dialogue, de partage et de mouvance que nous sommes, vivent de la magie des rencontres, meurent de leur absence. Chaque rencontre nous réinvente illico - que ce soit celle d'un paysage, d'un objet d'art, d'un arbre, d'un chat ou d'un enfant, d'un ami ou d'un inconnu. Un être neuf surgit alors de moi et laisse derrière lui celui qu'un instant plus tôt je croyais être.
5. Sans les arbres dans lesquels il joue, le vent resterait invisible.
(Citations extraites de l’ Éloge du mariage, de l'engagement et autres folies, p.111, Albin Michel, 2000)
Paul Verlaine
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine (Poèmes saturniens)
Patrick Modiano
Comme c'est drôle d'entendre quelqu'un vous poser des questions que vous étiez seulejusqu'à présent à vous poser à vous-même... (La Petite Bijou, p.140, Folio, n°3766)